Hauser & Wirth Invite(s)
PHILIPP TIMISCHL
Communiqué de presse

Texte de Sabrina Tarasoff
En collaboration avec Layr (Vienna)
Hauser & Wirth Paris
11 septembre - 4 octobre 2025
Vernissage: jeudi 11 septembre, 18.30h - 20.30h
Texte d’exposition de Sabrina Tarasoff:
« Rien n’est plus drôle que le malheur », écrit Samuel Beckett, redonnant une valeur à la condition de perdant en lui insufflant une force comique. Il a également laissé entendre un jour, dans un monologue particulièrement sombre sur la futilité d’à peu près toute chose, que notre naissance fut déjà notre perte, une idée qui pourrait valoir pour les œuvres d’art elles-mêmes. Si exister n’est qu’une impasse tragicomique où nous tentons désespérément de transmuter le « manque » en réalisations plus ou moins signifiantes, alors quoi de plus intrinsèquement drôle que ce que nous créons ?
Si l’on a souvent disserté sur la souffrance et les échecs inhérents à la vie artistique, Philipp Timischl se tourne plutôt vers les existences insatisfaisantes des œuvres elles-mêmes. Dans son exposition chez Hauser & Wirth Paris, il met en scène des pièces afin qu’elles interrogent leurs propres origines incertaines. Sa pratique associe peinture, vidéo et texte, souvent réunis au sein d’une même œuvre, comme tiraillée entre différentes formes fixes, troublée dans son identité formelle. Entre l’accident de la création et l’inéluctabilité de leur fin, se manifeste une foule de riens : penser, dormir, fixer du regard, ou simplement rester coincé, disons, entre l’histoire et le présent, le réel et le virtuel, face à un mur. Les tentatives deviennent des erreurs ; le résultat est ce qu’il est – à l’envers, à l’endroit – peu importe.
L’exposition s’articule autour d’une histoire vraie. Une peinture et un mur LED sont alignés, leurs surfaces traversées de moulures décoratives. La toile est enduite d’une texture évoquant le béton, tandis que la vidéo propose une vue à la première personne avançant à l’infini à travers des environnements changeants. Elle s’exprime en sous-titres, racontant comment elle fut jadis un mur, se fissura, s’effondra, avant de se transformer en une œuvre d’art. Lorsque le monologue s’interrompt, l’image dysfonctionne par instants et se réduit à un uniforme gris comme si le mur chancelait vers son ancien état. L’œuvre met en scène sa propre instabilité, une histoire entre le concret et l’abstrait, le réel et le virtuel, la peinture et la vidéo.
De grandes toiles montrent des hommes musclés qui semblent avoir troqué l’effort contre l’immobilité. Les mains croisées, le regard ailleurs, ils ne posent pas, ne travaillent pas, ne s’exhibent pas. Si leurs corps évoquent la force, les tableaux en effeuillent paisiblement l’usage. La pensée s’enlise dans l’inertie, l’image dans la stase. Dans I’m a painting yet I have my flaws [Je suis un tableau, mais j’ai mes défauts], la figure affirme catégoriquement sa condition, tout en restant suspendue à cet aveu. Ces œuvres habitent leur propre impasse : une posture muette, depuis laquelle elles parviennent néanmoins à agir, à parler et à performer, même – surtout – à travers les failles, les ratages, les faux-pas et les échecs.
Accrochés de quelque manière que ce soit, tantôt en hauteur ou proche du sol, parfois désorientés, les murs dépouillés posent comme des tableaux. Ou bien, à l’instar des portraits ébouriffés de ratons laveurs – les Hard Paintings –, ils finissent immortalisés pour mieux paraître abattus. Encadrés de moulures ornées et recouverts d’une fine couche de gris ordinaire, ils adoptent la posture du portrait classique, mais substituent le travail de la peinture pour quelque chose de plus abordable, de plus facile, de plus commode. Les images imitent souvent la texture d’un dessin ou d’un coup de pinceau sans jamais vraiment s’y engager. Les titres tels que Hard Painting (Super Sick) [Très malade], Hard Painting (Sleep) [sommeil] ou hard Painting (Bloody Painting) [peinture sanguinolente] signalent l’état de leurs sujets : des ratons laveurs qui vomissent, s’effondrent, saignent ou sombrent dans l’inconscience. Les scènes parlent un idiolecte de la blessure et de la maladie, sans pathos. Elles proposent plutôt une performance de l’épuisement : la peinture comme surface, comme symptôme, comme quelque chose qui peine à se maintenir – une phase terminale. Ici, le laisser-faire prend des airs d’éthique, une résignation comique à la profession muette de l’art.
Des histoires invraisemblables s’écroulent ; il ne reste rien d’autre à faire des débris que de les transformer en art. Ce qui en ressort n’est pas de l’ironie, mais une sorte de sincérité stratégique. Les œuvres de Timischl sont attentives aux attentes liées à la forme, au goût et à la valeur – tout en les déjouant par refus de les satisfaire pleinement. Les remarques malicieuses, les blagues sur les défauts, masquent des vérités amères, rendant l’ensemble encore plus risible. Ces créations déploient des efforts héroïques pour soutenir les banalités comiques et nauséeuses de l’existence comme intrinsèquement hilarante. L’art atteint son sommet comique non seulement dans l’exhibition de son malheur, mais aussi dans la reconnaissance du néant d’où il est issu. Non pas le « néant » esthétisé et légitimé par les canons de l’histoire de l’art comme l’abîme romantique ou le vide conceptuel, mais le néant brut : le temps mort, la passivité, la résignation, le rien-faire – interminable. Encore une fois, comme ces mecs musclés qui, sous forme de peintures, n’aspirent à rien d’autre qu’à l’échec, et y réussissent. La véritable histoire drôle ici, c’est que, peu importe la tournure, cela finit toujours en art.
À propos de Hauser & Wirth Invite(s)
Cette initiative reflète l’engagement de Hauser & Wirth, qui œuvre depuis de nombreuses années à tisser des relations fécondes dans les lieux où la galerie travaille. En collaborant avec des artistes (ou estates) qui pourraient bénéficier d’une plateforme complémentaire, avec des galeries de différentes échelles, ainsi que des auteur·rices s’adressant à des publics diversifiés, Hauser & Wirth contribue activement au développement d’un écosystème artistique durable et inclusif.
En invitant des artistes, des galeristes et des auteur·rices dans nos espaces de Paris et de Zurich, nous apportons une plus grande visibilité à leurs travaux et à leurs idées, tout en cultivant une dynamique d’échange avec la foisonnante communauté créative de la ville. Conçu en collaboration avec Olivier Renaud-Clément, Hauser & Wirth Invite(s) occupe le deuxième étage de notre espace parisien et accompagne notre programme d’expositions présentées au rez-de-chaussée et au premier étage.

À propos de Philipp Timischl
Philipp Timischl (né en 1989 à Graz) a grandi dans la campagne autrichienne et vit aujourd’hui à Paris, en France. Sa pratique combine vidéo, sculpture, peinture et photographie, souvent associées à des textes et réalisées sous forme d’installations in situ. Son travail s’intéresse aux dynamiques de pouvoir, en particulier celles liées à la classe sociale, à la queerité, au patrimoine et au monde de l’art. Après des études à la Städelschule de Francfort puis un diplôme à l’Akademie der bildenden Künste de Vienne, il a présenté des expositions personnelles au Musée d’art contemporain de Belgrade (2025), au Confort moderne de Poitiers (2024), à High Art de Paris (2024), au MGKSiegen (2023), au Layr, Vienne (2023), au Heidelberger Kunstverein (2022), à la Secession de Vienne (2018) et à la Halle für Kunst de Lüneburg (2016). Son travail a été montré à la NGV Triennial, Melbourne (2023), à la Biennale de Lyon (2022), ainsi que dans des expositions collectives à Marta Herford / Kunsthalle Bielefeld (2024), Belvedere 21 (2021, 2019), Kunsthalle Bern (2019), Kunstwerke Berlin (2016), Luma Foundation Zürich, Fondazione Sandretto Re Rebaudengo Turin, et Serpentine Galleries London, parmi d’autres. Ses œuvres font partie de collections publiques telles que le mumok, le Belvedere, le Kunsthaus Bregenz, la Heidi Horten Collection, l’EVN Sammlung, la Saatchi Collection, le FRAC Corsica et la National Gallery of Victoria.
À propos de Layr (Vienna)
Fondée à Vienne en 2011 par Emanuel Layr, la galerie Layr se consacre principalement à des pratiques conceptuelles engagées dans des questions sociales, politiques et culturelles contemporaines. Installée dans une ville historiquement située entre l’Est et l’Ouest, elle cultive un dialogue entre générations et contextes. Layr représente les estates de Stano Filko et d’Anna Andreeva, ainsi que les artistes Anna-Sophie Berger, Julien Bismuth, Plamen Dejanoff, Marius Engh, Cécile B. Evans, Gaylen Gerber, Lena Henke, Benjamin Hirte, Lisa Holzer, Tillman Kaiser, Dominique Knowles, Niklas Lichti, Birgit Megerle, Matthias Noggler, Nick Oberthaler, Evelyn Plaschg, Lili Reynaud-Dewar, Josef Strau, Philipp Timischl et Leah Ke Yi Zheng.
À propos de Sabrina Tarasoff
Sabrina Tarasoff (née en 1991) est une écrivaine et critique finlandaise actuellement installée à Cambridge, aux États-Unis. Ses travaux ont été publiés dans divers magazines tels que Mousse Magazine, Los Angeles Review of Books, X-TRA Contemporary Art Journal, Sucksess Magazine et Octopusnotes. Les écrits de Tarasoff, qui traitent de théorie littéraire, de culture pop et d’arts visuels, ont également été publiés dans des catalogues et livres par Inventory Press, American Art Catalogues et Semiotext(e). Elle est l’éditrice de la première anthologie des écrits du poète Bob Flanagan, « Fun To Be Dead: The Poems of Bob Flanagan », publiée par Kristina Kite Gallery et Pep Talk. Tarasoff prépare actuellement un doctorat en littérature comparée à l’université de Harvard sur le thème des parc d’attractions.
Contacts presse
Alice Haguenauer, Hauser & Wirth, alicehaguenauer@hauserwirth.com, +44 7880 421823
Hauser & Wirth Paris
26 bis rue François 1er
75008 Paris
Horaires d’ouverture :
Du mardi au samedi, de 10h à 18h
Légende et courtesy :
Pour toutes les images :
Philipp Timischl in the studio, 2025
Courtesy the artist